René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
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René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
René Aubry est un compositeur français qui privilégie dans ses créations musicales les cordes et les claviers divers. Ses compositions mélodiques, souvent entraînantes, ont une écriture reconnaissable. Une grande partie de ses musiques ont été créées pour des spectacles (chorégraphies...)
J'espère que ce titre saura vous inspirer...
J'espère que ce titre saura vous inspirer...
Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
Une lettre dans le sable
Kim Mee-Yung,
Mon amour, le temps s’écoule lentement. Aujourd’hui je me suis rendu sur la falaise. Le murmure des vagues atteint les rochers, s’attache, s’essouffle et s’écoule pour repartir au loin.
Te souviens-tu de ce jour de printemps ?
J’entends ton rire. Une douce mélodie au rythme du vent qui nous entoure. Tu sembles être une déesse au milieu des cerisiers en fleurs. Leurs pétales t’entrainent dans une danse folle que tu exécute avec délicatesse. Le monde se plie à tes mouvements. Tu te retournes pour me retrouver. Ton sourire contraste avec ta souffrance.
Mon cœur saigne pour nous deux. Suis-je égoïste ?
Elle t’a emporté loin de moi. Tu ne ris plus, tu ne respires plus. Un silence lourd s’abat sur nous deux. Je n’entends plus rien. Je ne vois plus que ton sourire qui illumine ton visage pâle et sans vie. Ma haine pour la mort éclate, se répand à travers cet endroit maudit. On veut encore t’enlever à moi. Tu es déjà si loin. Je pose une dernière fois mes lèvres sur les tiennes.
Te souviens-tu de notre premier baiser ?
Nos souffles forment une nuée blanche dans l’air glacial, s’évaporant aussitôt. La ville brille de mille feu, peignant ses couleurs sur ton visage. Je plonge mon regard dans le tiens. Tu te détournes de façon à ce que je ne puisse pas voir tes yeux. Je pose une main sur ta joue. Elle est gelée. Je t’attire contre moi, nos lèvres se rencontrent sans jamais se quitter. Les premières neiges célèbrent notre amour en nous enveloppant de son manteau de flocons.
J’ai peur. Tu disparais de ma mémoire un peu plus chaque jour.
Te souviens-tu de nos trace laissées dans le sable ?
Tu tentes d’échapper à mes étreintes en courants ver la mer. Ta robe flotte selon les envies du vent. Tu ris et danses dans les petites vagues qui forment des ondes. Tu es leur centre, comme pour moi, et à leur tour elles ondulent autour de toi. Tu me sautes au cou et nous échangeons des baisers sans fin. Tu évacue toute ta tristesse mais pour moi, elle ne cesse pas. Elle me consume. Nous écrivons nos noms, gravés dans le sable que la mer effacera pour les emporter au large.
Notre amour est-il éternel ou éphémère, comme le temps d’une vie ?
J’ai retracé nos pas. Tu m’apparais. La mer te prend. Elle ne me laisse rien de toi. Les vagues murmurent au monde entier.
Aujourd’hui les premières neiges sont tombées, formant une constellation sur les eaux profondes.
Le temps c’est arrêté.
Mon amour.
Im Dae-Jung
EthelXIX- Messages : 1020
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Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
J'aime beaucoup ton texte Ethel, l'évocation de l'Asie avec ses cerisiers en fleurs et les premières neiges... C'est un romantisme à la fois sombre et délicat. Je retrouve dans ton écrit l'atmosphère feutrée et douce-amère de la littérature japonaise qui me séduit tant...
Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
^^ J'essaie de voir avec ma prof de français pour essayer de m'inscrire à un concours pour m'amuser. Demain je lui amène celle là, un autre et le premier chapitre de Maléficienne pour qu'elle aie une idée pour que l'on voit vers quel concours je peux aller ^^ ça me botte et comme ça j'évacue
EthelXIX- Messages : 1020
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EthelXIX- Messages : 1020
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Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
Une jolie plume
Jazz- Messages : 280
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Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
----Le choix de la ballerine----
J'avais trois ans.
C'était le jour de mon anniversaire, ou bien Noël, ou alors une des ces diverses célébrations qui me gratifiaient de cadeaux.
Je me souviens encore.
Le paquet carré habillé d'une étoffe colorée, lisse au toucher. Les motifs géométriques. Le ruban large teinté d'or et d'argent qui retenait le tout avec élégance.
De mes gestes fébriles mus par mon excitation enfantine, mes mains qui caressaient et emprisonnaient, qui touchaient pour découvrir et pour appréhender et si maladroitement détruire, je déchirai la magnifique enveloppe du cadeau. Jadis, elle n'était à mes yeux qu'un rempart qui me séparait de la jouissance de l'inconnu.
Une fois l'emballage mise en lambeaux, mon cœur battant à cent à l'heure, j'ouvris le carton avec une certaine révérence sous les yeux inquisiteurs de mes grands-parents.
Des yeux doux et brillants. Bienveillants.
Je ne savais pas quelle réaction ils attendaient de moi. Je n'avais alors que trois ans, et le tact, l'hypocrisie, m'étaient des notions inconnues. Ils m'offraient ce cadeau en échange de mes véritables émotions. Que je leur souriais et qu'ils me disaient tenir au creux de leur cœur le plus précieux diamant.
A l'intérieur du carton se trouvait une boite en métal. Elle était peinte en rouge las. Les bords rouillés, usagés par le temps, soulignaient son contour d'un gris sale.
Les sourcils froncés je regardais grand-mère. Elle me fit signe de l'ouvrir.
Ma main repoussa le couvercle qui dévoila une souple ballerine. Elle était habillée en blanc, ses cheveux noirs retenus par un chignon. Elle se balançait au son d'une mélodie qui tint toute la salle en éveil.
Dans le creux du couvercle un miroir coupé en trois dont les extrémités étaient légèrement tirées vers l'extérieur.
La ballerine virevoltait dans sa pose figée.
Je la regardait bouche bée, hypnotisée.
Au bout de quelques tours elle s'arrêta, son visage fixant l’extrémité droite du miroir. Exactement là où une photo en noir et blanc était agrippée.
Grand-père.
Grand-mère me dit alors qu'indépendamment de la partie du miroir où la photo se trouvait, la ballerine s’arrêtait toujours face à la photographie. La ballerine choisissait toujours de finir sous le regard attentif de l'homme.
Je fis l'expérience moi-même. Encore et encore. La ballerine, danseuse étoile, terminait irrémédiablement son ballet face à l'homme.
Grand-mère me dis, que la ballerine l'avait toujours choisi. Comme elle-même. Son cœur pouvait être en métal, mais la mélodie qui l'animait la parée d'une perception sensible au véritable amour. Et que maintenant la ballerine m'appartenait.
La magie opérait ce jour-là et j'étais fascinée.
Dès ce jour, je la chéris de tout mon cœur.
Longtemps elle fut la berceuse de mes nuits. La compagnie de mes journées. La porte de mes mondes fantastiques.
Aujourd'hui, je fixe les trois photos des trois hommes qui possèdent mon cœur sur chaque fraction du miroir.
La ballerine se balance inlassablement.
J'attend avec impatience que la mélodie s'achève. Une mélodie aussi douce que les mûres que je cueillais dans mon jardin, aussi fine que les dentelles de la robe de ma mère d'autrefois. Une mélodie d'enfance.
La ballerine s'arrête. Elle me fixe, moi.
Je referme le couvert.
Un jour, moi aussi j'aurais un amour véritable. Tellement solide et indéniable qu'il parviendra à faire battre le cœur inanimé d'un objet à l'unisson du mien.
Car l'amour n'a pas de frontières.
L'amour opère par tous les temps, par tous les chemins et sur tous les êtres.
Ainsi la ballerine danse et danse.
Ainsi la ballerine aime.
J'avais trois ans.
C'était le jour de mon anniversaire, ou bien Noël, ou alors une des ces diverses célébrations qui me gratifiaient de cadeaux.
Je me souviens encore.
Le paquet carré habillé d'une étoffe colorée, lisse au toucher. Les motifs géométriques. Le ruban large teinté d'or et d'argent qui retenait le tout avec élégance.
De mes gestes fébriles mus par mon excitation enfantine, mes mains qui caressaient et emprisonnaient, qui touchaient pour découvrir et pour appréhender et si maladroitement détruire, je déchirai la magnifique enveloppe du cadeau. Jadis, elle n'était à mes yeux qu'un rempart qui me séparait de la jouissance de l'inconnu.
Une fois l'emballage mise en lambeaux, mon cœur battant à cent à l'heure, j'ouvris le carton avec une certaine révérence sous les yeux inquisiteurs de mes grands-parents.
Des yeux doux et brillants. Bienveillants.
Je ne savais pas quelle réaction ils attendaient de moi. Je n'avais alors que trois ans, et le tact, l'hypocrisie, m'étaient des notions inconnues. Ils m'offraient ce cadeau en échange de mes véritables émotions. Que je leur souriais et qu'ils me disaient tenir au creux de leur cœur le plus précieux diamant.
A l'intérieur du carton se trouvait une boite en métal. Elle était peinte en rouge las. Les bords rouillés, usagés par le temps, soulignaient son contour d'un gris sale.
Les sourcils froncés je regardais grand-mère. Elle me fit signe de l'ouvrir.
Ma main repoussa le couvercle qui dévoila une souple ballerine. Elle était habillée en blanc, ses cheveux noirs retenus par un chignon. Elle se balançait au son d'une mélodie qui tint toute la salle en éveil.
Dans le creux du couvercle un miroir coupé en trois dont les extrémités étaient légèrement tirées vers l'extérieur.
La ballerine virevoltait dans sa pose figée.
Je la regardait bouche bée, hypnotisée.
Au bout de quelques tours elle s'arrêta, son visage fixant l’extrémité droite du miroir. Exactement là où une photo en noir et blanc était agrippée.
Grand-père.
Grand-mère me dit alors qu'indépendamment de la partie du miroir où la photo se trouvait, la ballerine s’arrêtait toujours face à la photographie. La ballerine choisissait toujours de finir sous le regard attentif de l'homme.
Je fis l'expérience moi-même. Encore et encore. La ballerine, danseuse étoile, terminait irrémédiablement son ballet face à l'homme.
Grand-mère me dis, que la ballerine l'avait toujours choisi. Comme elle-même. Son cœur pouvait être en métal, mais la mélodie qui l'animait la parée d'une perception sensible au véritable amour. Et que maintenant la ballerine m'appartenait.
La magie opérait ce jour-là et j'étais fascinée.
Dès ce jour, je la chéris de tout mon cœur.
Longtemps elle fut la berceuse de mes nuits. La compagnie de mes journées. La porte de mes mondes fantastiques.
Aujourd'hui, je fixe les trois photos des trois hommes qui possèdent mon cœur sur chaque fraction du miroir.
La ballerine se balance inlassablement.
J'attend avec impatience que la mélodie s'achève. Une mélodie aussi douce que les mûres que je cueillais dans mon jardin, aussi fine que les dentelles de la robe de ma mère d'autrefois. Une mélodie d'enfance.
La ballerine s'arrête. Elle me fixe, moi.
Je referme le couvert.
Un jour, moi aussi j'aurais un amour véritable. Tellement solide et indéniable qu'il parviendra à faire battre le cœur inanimé d'un objet à l'unisson du mien.
Car l'amour n'a pas de frontières.
L'amour opère par tous les temps, par tous les chemins et sur tous les êtres.
Ainsi la ballerine danse et danse.
Ainsi la ballerine aime.
Gih- Messages : 95
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Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
C'est amusant, j'ai écrit moi aussi un texte sur une danseuse le temps de le taper et je vous le mets.
Joli texte, Gih, poétique et nostalgique; Celui d'Ethel est très différent, mais très joli aussi, une même musique, deux récits différents, c'est super!
Joli texte, Gih, poétique et nostalgique; Celui d'Ethel est très différent, mais très joli aussi, une même musique, deux récits différents, c'est super!
Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
Voici mon texte :
Intimidée, Grâce pénétra dans le studio de danse. Elle peinait encore à croire à sa chance... Non, ce n'était pas de la chance, rectifia-t-elle intérieurement, mais le fruit d'un travail acharné. Des années de labeur, de rigueur, de discipline, l'avaient amenée là.
Quelle n'avait pas été la surprise de Grâce lorsqu'elle avait été promue au rôle tant convoité de soliste principale ! Elle quittait l'anonymat du corps de ballet pour devenir celle qui incarnerait Daphné, le personnage principal du nouveau ballet de Nicolaï Konstantinov ! Des noms avaient circulé, mais jamais le sien. On lui reconnaissait un immense talent, mais discrète, Grâce n'avait jamais cherché à se faire remarquer. Du moment qu'elle pouvait danser, elle était heureuse.
La compagnie fondée par Nicolaï Konstantinov était réputée. Formé par les plus grands des ballets russes, il était tout à la fois le danseur vedette et le chorégraphe de la troupe. Exigeant, travailleur, il n'était pas connu pour se montrer loquace. C'était un homme solitaire, dont on ne savait pas grand chose, en vérité, ce qui faisait soupirer les membres féminins de la troupe. Plus d'une lui avait fait les yeux doux, en vain. Il ne vivait que pour la danse et semblait totalement ignorer à quel point il était séduisant. Cela convenait à Grâce : danser était son unique passion.
Les premières répétitions avaient été effectuées dans un climat calme, un silence quasi religieux troublé uniquement par les consignes de Nicolaï. Il l'observait, rectifiait une position et Grâce se pliait sans rechigner à chacune de ses demandes. Elle détestait les divas. Les caprices et les plaintes n'avaient pas leur place dans la vie d'une danseuse classique.
— J'ai décidé de modifier la danse de Daphné, annonça un jour Nicolaï, tandis qu'ils faisaient une courte pause.
— Pourquoi ? demanda Grâce, qui massait ses pieds éprouvés par les pointes.
— Tes arabesques sont extraordinaires. J'en veux plus dans ce passage.
La danseuse rougit, ravie. Nicolaï ne complimentait que rarement ses danseurs, se contentant généralement d'exprimer sa satisfaction par « bien ». Grâce aurait pu jurer qu'un mot comme « extraordinaire » ne faisait pas partie du vocabulaire du maître de ballet. Ce jour-là n'était pas un jour comme les autres, car Nicolaï conclut la séance par un nouveau compliment qui laissa la jeune femme bouche-bée.
— Tu portes bien ton prénom.
Elle resta longtemps à fixer la porte par laquelle il disparut sitôt cette phrase lancée.
Les répétitions se poursuivirent et bientôt, ils ajoutèrent le pas de deux aux solos de la jeune fille. Grâce attendait avec crainte et impatience ce moment de la chorégraphie. Danser pour Nicolaï Konstantinov était un privilège, danser avec lui... un rêve. Au fil des répétitions, un trouble nouveau était né en elle, un émoi que seuls la voix de Nicolaï, sa présence, son regard, suscitaient. Elle ne valait guère mieux que ses camarades, à soupirer ainsi à chaque fois que l'homme posait son regard sombre et indéchiffrable sur elle ou lui adressait quelques mots. La jeune femme attendait ces moments où ils se retrouvaient tous les deux, une étrange langueur l'envahissait et elle craignait que ses jambes la trahissent lorsqu'il la touchait. Il lui semblait parfois voir jouer l'ombre d'un sourire sur les lèvres de son partenaire, que son regard se réchauffait quand il l'apercevait. Leur complicité se passait de mots.
Ce jour-là, Nicolaï était de mauvaise humeur. Grâce s'en rendit compte sitôt la porte du studio franchie.
— Tu es en retard, fit-il sèchement.
Ce n'était pas vrai, mais Grâce se garda de le contredire. Nicolaï travaillait d'arrache-pied pour que le ballet soit prêt à temps. En plus de leurs entraînements, il supervisait le reste de la troupe, tout en gardant un œil sur les arrangements musicaux, les costumes, les décors. Quand dormait-il ? Rarement, à en juger les cernes sombres qui soulignaient ses yeux ces derniers temps. La première aurait lieu le lendemain soir, il fallait veiller aux derniers détails. Une danseuse s'était foulé la cheville, il avait fallu la remplacer sur une partie de sa chorégraphie. Un danseur s'était blessé en soulevant sa partenaire et on avait craint qu'il ne soit pas rétabli à temps. Autant de soucis qui minaient le maître de ballet et commençaient à jouer sur son tempérament déjà ombrageux.
Grâce n'épargna pas sa peine durant les deux heures qui suivirent, mais rien ne satisfaisait Nicolaï. Les remarques acerbes s'accumulaient, lui donnant l'impression d'être la dernière des dernières. Épuisée, elle sentait ses muscles se tétaniser par l'effort soutenu auquel elle soumettait son corps.
— J'ai besoin d'une pause, gémit-elle comme une crampe violente paralysait son mollet.
— Quand tu tiendras ta figure, répondit Nicolaï, impitoyable.
— Je ne peux pas, insista Grâce.
— Tu peux. Mais encore faut-il que tu le veuilles, répondit le chorégraphe avec mépris.
Son accent russe était plus prononcé que d'habitude, signe qu'il était en colère, ou fatigué. Probablement les deux.
— La première a lieu demain et tu es loin d'être au point ! s'emporta-t-il.
Grâce accusa le coup. Elle avait travaillé dur, s'imposant des heures de répétitions supplémentaires, seule. Contrairement à ce qu'affirmait Nicolaï, elle possédait parfaitement chaque geste, chaque attitude, elle aurait pu danser les yeux fermés, le cerveau déconnecté, tant les enchaînements étaient ancrés dans son corps. Mais la fatigue la rattrapait et son corps ne suivait plus le rythme infernal qu'elle s'imposait depuis des semaines. À son tour, la jeune femme laissa sa mauvaise humeur éclater.
— Il faudra faire avec, dit-elle, criant presque.
Elle, si douce, si pondérée, si respectueuse, sortit en claudiquant, s'accordant la satisfaction de claquer la porte derrière elle. Konstantinov ne chercha pas à la rattraper.
Comme ses paroles l'avaient blessée ! Grâce vérifia une dernière fois que son costume, pour le premier tableau, ne gênait pas ses mouvements. Tout était bon pour détourner son attention de ce qui la rongeait, à quelques minutes de se produire sur scène. Elle s'était accordé une longue nuit de sommeil avant de retourner à l'ultime répétition générale. Une épreuve. Elle avait dansé comme jamais, tous s'en étaient aperçu et l'avaient félicitée, mais le seul dont l'avis comptait véritablement n'avait rien dit. La connexion qu'elle avait ressentie entre eux avait disparu, laissant place à une indifférence qui avait glacé la jeune femme.
Le silence se fit dans la salle, les premières mesures retentirent. Grâce s'élança. Ses gestes, ses attitudes, étaient parfaits. Pourtant, elle se rendit compte qu'il manquait quelque chose. La passion. Elle se sentait totalement détachée. Elle serait, aux yeux des spectateurs et des autres danseurs, une Daphné irréprochable, mais elle savait qu'elle n'était pas Daphné. Elle ne se sentait pas glisser lentement dans la peau du personnage, mimait les émotions mais ne les ressentait pas.
Quand arriva le pas de deux, Grâce exécuta chaque mouvement avec une précision mécanique, tâchant de ne pas se laisser envahir par l'émotion tandis que son partenaire l'accompagnait. Au terme d'une arabesque, leurs regards se croisèrent.
— Tu es merveilleuse, souffla Nicolaï avant de la faire tournoyer.
Le cœur de Grâce bondit. Nicolaï esquissa un petit sourire, la souleva. Grâce eut la sensation que la bulle qui l'isolait d'elle-même volait en éclats et qu'elle réintégrait son corps, son personnage. Ce fut avec une énergie et une joie renouvelées qu'elle se lança dans un nouveau solo, enchaînant les pauses et les figures, son regard se portant automatiquement sur Nicolaï. Elle était Daphné, elle était Grâce, et elle se sentait enfin complète. Le jeu de séduction de Daphné devint le sien, et il lui sembla que Nicolaï lui répondait. Ils oublièrent ce qui les entourait, concentrés l'un sur l'autre, dansant comme si leur vie en dépendait. La fin du ballet arriva bien trop vite, les laissant essoufflés, éperdus. Tandis que les applaudissements se déchaînaient, que le corps de ballet les entourait pour les féliciter, que certains tombaient dans les bras des autres, riant et pleurant, Grâce et Nicolaï restèrent face à face, les yeux dans les yeux. Nicolaï rompit l'enchantement en prenant la main de la jeune femme pour l'amener sur le devant de la scène saluer le public qui les ovationnait. La fierté se lisait dans les yeux sombres du danseur. La fierté, et quelque chose d'autre.
Intimidée, Grâce pénétra dans le studio de danse. Elle peinait encore à croire à sa chance... Non, ce n'était pas de la chance, rectifia-t-elle intérieurement, mais le fruit d'un travail acharné. Des années de labeur, de rigueur, de discipline, l'avaient amenée là.
Quelle n'avait pas été la surprise de Grâce lorsqu'elle avait été promue au rôle tant convoité de soliste principale ! Elle quittait l'anonymat du corps de ballet pour devenir celle qui incarnerait Daphné, le personnage principal du nouveau ballet de Nicolaï Konstantinov ! Des noms avaient circulé, mais jamais le sien. On lui reconnaissait un immense talent, mais discrète, Grâce n'avait jamais cherché à se faire remarquer. Du moment qu'elle pouvait danser, elle était heureuse.
La compagnie fondée par Nicolaï Konstantinov était réputée. Formé par les plus grands des ballets russes, il était tout à la fois le danseur vedette et le chorégraphe de la troupe. Exigeant, travailleur, il n'était pas connu pour se montrer loquace. C'était un homme solitaire, dont on ne savait pas grand chose, en vérité, ce qui faisait soupirer les membres féminins de la troupe. Plus d'une lui avait fait les yeux doux, en vain. Il ne vivait que pour la danse et semblait totalement ignorer à quel point il était séduisant. Cela convenait à Grâce : danser était son unique passion.
Les premières répétitions avaient été effectuées dans un climat calme, un silence quasi religieux troublé uniquement par les consignes de Nicolaï. Il l'observait, rectifiait une position et Grâce se pliait sans rechigner à chacune de ses demandes. Elle détestait les divas. Les caprices et les plaintes n'avaient pas leur place dans la vie d'une danseuse classique.
— J'ai décidé de modifier la danse de Daphné, annonça un jour Nicolaï, tandis qu'ils faisaient une courte pause.
— Pourquoi ? demanda Grâce, qui massait ses pieds éprouvés par les pointes.
— Tes arabesques sont extraordinaires. J'en veux plus dans ce passage.
La danseuse rougit, ravie. Nicolaï ne complimentait que rarement ses danseurs, se contentant généralement d'exprimer sa satisfaction par « bien ». Grâce aurait pu jurer qu'un mot comme « extraordinaire » ne faisait pas partie du vocabulaire du maître de ballet. Ce jour-là n'était pas un jour comme les autres, car Nicolaï conclut la séance par un nouveau compliment qui laissa la jeune femme bouche-bée.
— Tu portes bien ton prénom.
Elle resta longtemps à fixer la porte par laquelle il disparut sitôt cette phrase lancée.
Les répétitions se poursuivirent et bientôt, ils ajoutèrent le pas de deux aux solos de la jeune fille. Grâce attendait avec crainte et impatience ce moment de la chorégraphie. Danser pour Nicolaï Konstantinov était un privilège, danser avec lui... un rêve. Au fil des répétitions, un trouble nouveau était né en elle, un émoi que seuls la voix de Nicolaï, sa présence, son regard, suscitaient. Elle ne valait guère mieux que ses camarades, à soupirer ainsi à chaque fois que l'homme posait son regard sombre et indéchiffrable sur elle ou lui adressait quelques mots. La jeune femme attendait ces moments où ils se retrouvaient tous les deux, une étrange langueur l'envahissait et elle craignait que ses jambes la trahissent lorsqu'il la touchait. Il lui semblait parfois voir jouer l'ombre d'un sourire sur les lèvres de son partenaire, que son regard se réchauffait quand il l'apercevait. Leur complicité se passait de mots.
Ce jour-là, Nicolaï était de mauvaise humeur. Grâce s'en rendit compte sitôt la porte du studio franchie.
— Tu es en retard, fit-il sèchement.
Ce n'était pas vrai, mais Grâce se garda de le contredire. Nicolaï travaillait d'arrache-pied pour que le ballet soit prêt à temps. En plus de leurs entraînements, il supervisait le reste de la troupe, tout en gardant un œil sur les arrangements musicaux, les costumes, les décors. Quand dormait-il ? Rarement, à en juger les cernes sombres qui soulignaient ses yeux ces derniers temps. La première aurait lieu le lendemain soir, il fallait veiller aux derniers détails. Une danseuse s'était foulé la cheville, il avait fallu la remplacer sur une partie de sa chorégraphie. Un danseur s'était blessé en soulevant sa partenaire et on avait craint qu'il ne soit pas rétabli à temps. Autant de soucis qui minaient le maître de ballet et commençaient à jouer sur son tempérament déjà ombrageux.
Grâce n'épargna pas sa peine durant les deux heures qui suivirent, mais rien ne satisfaisait Nicolaï. Les remarques acerbes s'accumulaient, lui donnant l'impression d'être la dernière des dernières. Épuisée, elle sentait ses muscles se tétaniser par l'effort soutenu auquel elle soumettait son corps.
— J'ai besoin d'une pause, gémit-elle comme une crampe violente paralysait son mollet.
— Quand tu tiendras ta figure, répondit Nicolaï, impitoyable.
— Je ne peux pas, insista Grâce.
— Tu peux. Mais encore faut-il que tu le veuilles, répondit le chorégraphe avec mépris.
Son accent russe était plus prononcé que d'habitude, signe qu'il était en colère, ou fatigué. Probablement les deux.
— La première a lieu demain et tu es loin d'être au point ! s'emporta-t-il.
Grâce accusa le coup. Elle avait travaillé dur, s'imposant des heures de répétitions supplémentaires, seule. Contrairement à ce qu'affirmait Nicolaï, elle possédait parfaitement chaque geste, chaque attitude, elle aurait pu danser les yeux fermés, le cerveau déconnecté, tant les enchaînements étaient ancrés dans son corps. Mais la fatigue la rattrapait et son corps ne suivait plus le rythme infernal qu'elle s'imposait depuis des semaines. À son tour, la jeune femme laissa sa mauvaise humeur éclater.
— Il faudra faire avec, dit-elle, criant presque.
Elle, si douce, si pondérée, si respectueuse, sortit en claudiquant, s'accordant la satisfaction de claquer la porte derrière elle. Konstantinov ne chercha pas à la rattraper.
Comme ses paroles l'avaient blessée ! Grâce vérifia une dernière fois que son costume, pour le premier tableau, ne gênait pas ses mouvements. Tout était bon pour détourner son attention de ce qui la rongeait, à quelques minutes de se produire sur scène. Elle s'était accordé une longue nuit de sommeil avant de retourner à l'ultime répétition générale. Une épreuve. Elle avait dansé comme jamais, tous s'en étaient aperçu et l'avaient félicitée, mais le seul dont l'avis comptait véritablement n'avait rien dit. La connexion qu'elle avait ressentie entre eux avait disparu, laissant place à une indifférence qui avait glacé la jeune femme.
Le silence se fit dans la salle, les premières mesures retentirent. Grâce s'élança. Ses gestes, ses attitudes, étaient parfaits. Pourtant, elle se rendit compte qu'il manquait quelque chose. La passion. Elle se sentait totalement détachée. Elle serait, aux yeux des spectateurs et des autres danseurs, une Daphné irréprochable, mais elle savait qu'elle n'était pas Daphné. Elle ne se sentait pas glisser lentement dans la peau du personnage, mimait les émotions mais ne les ressentait pas.
Quand arriva le pas de deux, Grâce exécuta chaque mouvement avec une précision mécanique, tâchant de ne pas se laisser envahir par l'émotion tandis que son partenaire l'accompagnait. Au terme d'une arabesque, leurs regards se croisèrent.
— Tu es merveilleuse, souffla Nicolaï avant de la faire tournoyer.
Le cœur de Grâce bondit. Nicolaï esquissa un petit sourire, la souleva. Grâce eut la sensation que la bulle qui l'isolait d'elle-même volait en éclats et qu'elle réintégrait son corps, son personnage. Ce fut avec une énergie et une joie renouvelées qu'elle se lança dans un nouveau solo, enchaînant les pauses et les figures, son regard se portant automatiquement sur Nicolaï. Elle était Daphné, elle était Grâce, et elle se sentait enfin complète. Le jeu de séduction de Daphné devint le sien, et il lui sembla que Nicolaï lui répondait. Ils oublièrent ce qui les entourait, concentrés l'un sur l'autre, dansant comme si leur vie en dépendait. La fin du ballet arriva bien trop vite, les laissant essoufflés, éperdus. Tandis que les applaudissements se déchaînaient, que le corps de ballet les entourait pour les féliciter, que certains tombaient dans les bras des autres, riant et pleurant, Grâce et Nicolaï restèrent face à face, les yeux dans les yeux. Nicolaï rompit l'enchantement en prenant la main de la jeune femme pour l'amener sur le devant de la scène saluer le public qui les ovationnait. La fierté se lisait dans les yeux sombres du danseur. La fierté, et quelque chose d'autre.
Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
Gih j'adore ton texte plein de poésie (je sais pas si tu connais mais regardes le clip de Lindsey Stirling "Shatter Me") et ton texte Aurore plein de passion ^^
EthelXIX- Messages : 1020
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Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
Je connaissais Lindsey Stirling mais pas cette musique-là. Je suis allée l'écouter et je l'aime vraiment bien, merci de m'en avoir parlé, je vois le lien que tu as fait avec ces paroles et mon texte. ^^
Gih- Messages : 95
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Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
^^ je me la passe quasi en boucle
EthelXIX- Messages : 1020
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Date d'inscription : 09/06/2014
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Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
Très jolis textes, mes petites camarades !!!
De la poésie, de la nostalgie...... la passion de l'écriture !
Merci à vous toutes pour ces bons moments de partage !
De la poésie, de la nostalgie...... la passion de l'écriture !
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Babou- Messages : 1095
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Re: René Aubry "Seduction" (musique inspiratrice mars 2015)
Quelques notes de musique pour déclarer sa flamme...
Luna-Pearl- Messages : 404
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